Trente-six résolutions sur le statut de l’encadrement, la qualité de vie au travail et les principes de gouvernance de l’entreprise de demain ont été adoptées lors du 37e congrès à Deauville.
Par Michel Noblecourt
Sa méthode d’organisation des votes, rapide et efficace, mériterait d’être brevetée. Grand maître des compteurs et président des assemblées confédérales, Roger Gruszka a mené d’une main de maître l’adoption des résolutions, jeudi 10 octobre, lors du second et dernier jour du 37e congrès de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), à Deauville (Calvados). Trente-six résolutions sur le statut de l’encadrement, la qualité de vie au travail (QVT), la dénonciation de l’« impasse de la gestion par les coûts » – un thème cher au président de la centrale, François Hommeril – et les principes de gouvernance de l’entreprise de demain, ont été adoptées au pas de charge en un temps record. A chaque fois, M. Gruszka a fait entendre le même refrain, donnant juste le temps aux délégués de se précipiter sur leur boîtier électronique : « J’ouvre le scrutin, il reste 2 secondes et je clos le scrutin. »
Il n’y a eu ni véritable débat ni profusion d’amendements, ceux-ci étant pour la plupart acceptés par la direction. A une seule exception : la fédération des énergies a proposé d’étudier un « crédit d’impôt santé, sécurité et QVT ». Les délégués l’ont adopté à une majorité de 60,43 % contre l’avis de l’exécutif. Une résolution a préconisé la rédaction d’un « code de gouvernement d’entreprise » en soulignant que les actionnaires « ne peuvent être privilégiés aux dépens » des salariés « ou de l’équilibre de l’entreprise ». Les différentes résolutions ont été approuvées avec des scores oscillant entre 88,63 % et 98,65 %… « C’est toujours à la soviétique », commentait sobrement M. Gruszka.
Article réservé à nos abonnés
Lire aussi François Hommeril, un président qui détonne à la CFE-CGC
Fidèle à sa réputation de trublion qui déteste qu’on « lui beurre ses tartines », M. Hommeril, réélu le 9 octobre pour un second mandat avec 91,78 % des suffrages, a tenu un discours radical, plutôt marqué à gauche. Il a égrené une série de sombres constats : « Des services publics au bord du chaos », « une société où la solidarité se déconstruit et où seule compte la réalité du chiffre même quand il n’a aucun sens ». « Depuis deux décennies, a lancé l’ingénieur géologue, la gestion par les coûts a masqué le déficit de stratégie des décideurs. » Il a fustigé « la recherche brutale et vulgaire du profit à court terme ». « Nous sommes là pour que les choses changent, a martelé M. Hommeril, car nous ne croyons pas à l’absence d’alternative. »
« Depuis plus de vingt ans, les gouvernements ont failli. Ils nous ont abandonnés à un capitalisme devenu fou. Nous voulons être respectés, et pour cela nous devons être forts. »

Une absence de mixité

Lors de son congrès, la CFE-CGC qui a renoncé depuis 2010 à inviter le ministre du travail ou le premier ministre – comme naguère Michel Rocard ou Jean-Pierre Raffarin – a affiché sa bonne santé. Avec 148 000 adhérents « comptables » revendiqués, soit une progression de 2 % par an, et de très bons résultats électoraux, présentés dans un montage vidéo sous forme de feu d’artifice, elle entend jouer dans la cour des grands. Seule ombre au tableau, l’absence de mixité. Dirigée par un trio exclusivement masculin, elle progresse sur la parité à tout petits pas. Pour les secrétaires nationaux, dans l’équipe sortante il n’y avait qu’une seule femme sur huit membres. Dans celle élue à Deauville, il y a quatre femmes et quatre hommes. Mais pour les délégués nationaux qui jusqu’au 37e congrès comptaient huit femmes sur dix-neuf, on a assisté à une marche arrière avec seulement quatre femmes sur vingt postes.
Article réservé à nos abonnés
Lire aussi Retraites : les partenaires sociaux restent sur leurs gardes
Dans son bref discours de clôture, jeudi soir, M. Hommeril a livré son rêve : « Ensemble nous écrivons une histoire, l’histoire d’une troisième voie syndicale [entre les contestataires et les réformistes] : contester parfois, construire souvent, proposer toujours. » Et, a-t-il poursuivi, avec des accents lyriques : « Il y a plus d’intelligence, il y a plus d’expérience, il y a plus de vérité dans notre assemblée que dans tous les comités de direction de nos entreprises, dans toutes les directions centrales administratives et dans tous les gouvernements présents, passés et à venir. » Etrange congrès où à aucun moment il n’a été question de la réforme des retraites, alors que M. Hommeril, qui doit être reçu prochainement par Emmanuel Macron, est vent debout contre le projet. Etrange congrès caractérisé par une absence de débats. Mais « on est tous d’accord », plaisante en souriant le président de la CFE-CGC qui rappelle qu’il y a un an jour pour jour, déjà à Deauville, sa centrale a tenu une « université d’automne » pour mettre à jour son programme et « adapter ses valeurs » à un monde qui change. Vite.
Michel Noblecourt ((Deauville, envoyé spécial))